« Yo bro! Ils ont fait jouer ma track dans la wing en prison! Fou braque! » C’est le genre de nouvelles que Lerycal livrait dans la foulée du lancement de son premier projet, à l’automne 2019. Il revenait de loin.

Le gars est allé faire un tour en-dedans quelques mois en 2019 pour bris de conditions. Ça a mis un frein à la carrière rap qu’il tentait de relancer après l’avoir abandonnée pendant presque 10 ans. Quand il habitait à Québec, autour de 2010, il était très actif dans le milieu. Mais ensuite, il a galéré. Il s’est retrouvé impliqué dans différents milieux peu recommandables. Puis, comme si la vie voulait lui donner une leçon, il est passé par des épreuves extrêmement difficiles.

Parmi ces obstacles, la disparition de sa mère pendant neuf mois à la conclusion desquels il a appris la nouvelle la plus dramatique qu’on puisse entendre : elle a été assassinée par un tueur en série. Ça n’avait rien à voir avec ses propres errances. C’était un sale tour du destin.

Jimmy Lehouiller, de son vrai nom, a été happé par la nouvelle. Il a passé sa colère dans l’abus… alcool, drogues, violence. Après s’être fait prendre pour alcool au volant, il est confiné chez lui par le système judiciaire. Ce huis-clos lui a permis de réfléchir. De se remettre en question et de reprendre le droit chemin. Puis d’écrire de nouveau, de recommencer à rapper. Il a décidé de raconter son histoire dans son premier véritable album, Stigmates, lancé en octobre 2019. En mars 2020, il est de retour avec un EP plus achevé.

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La première fois que le nom de Lerycal a ré-émergé publiquement, c’était sur l’affiche d’un spectacle de Souldia à Rouyn-Noranda, le 11 avril 2019. Il assurait la première partie. Ça augurait bien, mais c’était une marche qu’il voulait gravir trop rapidement. Son confinement n’était pas terminé. Ses conditions étaient brisées. Des voisins l’ont dénoncé.

Juste avant sa prestation, deux policiers sont entrés dans la salle de spectacle et ont demandé à le voir. Jimmy Lehouiller est en état d’arrestation pour bris de conditions. « Steve Jolin [des disques 7ième Ciel qui était sur place] a parlé aux policiers et leur a expliqué que c’était mieux que je fasse mon set », raconte Lerycal. Il a pu faire sa prestation. « Tout de suite après, quand je suis descendu du stage, ils sont venus me chercher dans le backstage, ils m’ont passé les menottes et ils m’ont fait sortir par la porte d’en arrière. »

C’est comme ça qu’il s’est retrouvé en-dedans pour trois mois.

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Stigmates

À sa sortie de taule, Jimmy est plus motivé que jamais à relancer sa carrière. Il assemble beats et lyrics, quelques featurings, tourne un clip et prépare la sortie de son album.

Mi-octobre 2019, il lance le tout.

Ses allégeances rap? Il dit en devoir beaucoup à Taktika, un groupe avec lequel il a grandi et autour duquel il gravitait quand il habitait à Québec. Sur ce premier projet, Lerycal n’offre peut-être pas une formule révolutionnaire, mais ses paroles sont vraies et senties. Son histoire parsemée d’embûches, il la raconte pour la tourner en positif. La chanson sur laquelle il mise pour séduire le public s’intitule Ça va bien aller. Un mantra qu’il a dû se répéter à lui-même tant de fois au cours des dernières années. Mais surtout une ode à l’optimisme, à sa renaissance.

Sans le savoir, alors qu’il était en confinement judiciaire à la maison, il écrivait un texte dont le refrain allait devenir, quelques mois plus tard, la phrase clé de la période d’isolement nécessaire pour combattre la pandémie de COVID-19 au Québec : #cavabienaller.

Outre ce fait quasi-prémonitoire, ce disque est rempli d’une humilité et d’une vulnérabilité rares dans le domaine du rap de rue. Non seulement parle-t-il ouvertement du meurtre de sa mère, mais il dédie aussi une pièce à sa grand-mère qui l’a accompagné tout au long de cette pénible histoire. Comme une thérapie, Stigmates lui permet de mettre derrière lui un lourd passé.

Transition

Le 21 mars 2020, en pleine explosion de pandémie, Lerycal lance le EP Transition.

Les beats de Airmax beatz (Maxime Dulac), rouynorandien d’origine exilé dans la métropole, sont plus solides que sur l’effort précédent. Lerycal est aussi épaulé par Brian Meyers (Mauvaise Fréquence, Mathew James, Malfaisants), pilier de la scène hip-hop rouynorandienne, en feat sur la track Studio et cabaret, mais aussi comme DJ pour ses prestations live. Ils travaillent déjà ensemble sur le prochain projet de Lerycal.

Sur Transition, le rappeur rouynorandien prend une certaine assurance, particulièrement sur Entre 4 murs. Lerycal arrivera-t-il à faire sa place parmi les grands du Québec? L’avenir nous le dira. S’il y a un avenir après l’ère de la COVID-19.

Photo : Archives Lerycal

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