L’étape du premier album constitue souvent une période de révélations pour un artiste. Lorsque l’ambition est définie par des moyens conséquents et une période de temps suffisante pour amener sa vision à point, la création de ce premier opus amène avec lui une énorme charge cathartique. De ce travail émane une liberté, et souvent, une sensation de contrôle chez les artistes qui poussent la réflexion jusqu’au bout. C’est là qu’en est la rappeuse Marie-Gold, qui propose aujourd'hui son premier album en carrière, Règle d’or. On a rejoint l’artiste pour discuter de ce nouveau cap avec elle.
La valeur du travail
« C’est vrai que j’ai dû apprendre ce que c’est de faire un album, explique-t-elle au téléphone. Malgré que ce soit le premier, j’ose espérer que même à travers ce qui a été une grosse période de découverte pour moi, l’album pourra garder une forme de pureté, qu’on puisse reconnaître le travail acharné derrière sa création. »
Cette notion d’abnégation et de travail intense revient souvent pendant l’entrevue. Si Marie-Gold n’a pas toujours fait l’unanimité dans certains cercles du rap québécois, on sent chez l’artiste une volonté d’avancer sans compromis, peu importe son statut social ou musical. On a souvent parlé d’elle par rapport à son identité de femme dans le rap québécois, mais il est désormais temps d’analyser le travail fourni au lieu de chercher à cocher des cases. Dans le cas de Règle d’or, l'artiste et son équipe ont mis les bouchées doubles.
« J’ai tellement travaillé, et retravaillé les chansons de l’album, admet la rappeuse. Étant moi-même producer, je pouvais ouvrir les sessions et explorer plein de choses, ç’a été une gros processus. Je voulais un premier album riche sur lequel je me donnais les moyens d’innover en tant qu’artiste et pas juste par rapport à mon statut social, je voulais montrer que je ne suis pas seulement une voix et une personnalité. »
Le résultat de ce « gros processus » est un projet de 11 chansons conséquentes dans lequel on ressent le travail de longue haleine qui a été effectué sur sa création. Les productions, réalisées par Marie-Gold en collaboration avec différents producteurs du collectif Novengitum, passent du jazz au trap sans accrochage grâce à la présence d’arrangements bien pensés qui aident à la fluidité de l’écoute du projet.
Varier les sons pour gagner en richesse
Cette rencontre avec le collectif basé entre Montréal, Paris et Tokyo a d’ailleurs beaucoup contribué à l’aboutissement de l’album. Rencontrés après un des « pires shows de sa vie », les membres de Novengitum ont aidé Marie-Gold à insuffler des vibes différentes sur Règle d’or.
« Je voulais avoir des gros bangers pour l’album, mais honnêtement, je plafonnais un peu dans ce genre-là, avoue la rappeuse. Puis Mammouth m’a DM pour qu’on travaille ensemble et on a fait une session le soir même. Finalement, Igor (Dubois, qui a notamment travaillé avec les français Oboy, Aya Nakamura et Kalash) a mixé l’album et a vraiment pu amener notre travail à un niveau de fou. »
Le travail de mix est effectivement très léché sur l’album, qui présente un univers à la sonorité homogène malgré les ambiances musicales variées qui tapissent Règle d’or. Il y a un monde entre la Marie-Gold aux influences trap autotunée parsemés de flows en triolets sur « Impatiente » et la rappeuse à la voix honnête et candide qu’on retrouve sur les pianos touchants de « Cracher sur vos tombes (Interlude) ». Pourtant, l’écoute est fluide et ne donne pas l’impression d’avoir à faire à une simple mixtape. C’est le travail fourni depuis 2018 et la sortie du dernier EP de la rappeuse, Goal : Une Mélodie, qui contribue à cette sensation de contrôle de son élément qu’on ressent à l’écoute de ce nouvel opus.
Braver l’incertitude
Celle dont le parcours commence à prendre du galon depuis ses débuts avec la formation Bad Nylon admet que le contexte actuel est un peu particulier pour la sortie d’un album. Cependant, elle y voit une façon de connecter avec le public de façons différentes, quitte à ne pas pouvoir le faire en personne. Surtout avec un album qui revient plusieurs fois sur les thématiques d’isolation, de manque de moyens et d’incertitude.
« C’est sûr que tout est comme incertain en ce moment, alors l’album va peut-être rejoindre les gens de cette façon-là, admet Marie-Gold en riant. Il y a une immense circulation numérique en ce moment, alors ça sera peut-être difficile de gagner des fans. Mais en même temps, je veux continuer à faire du contenu pour les gens qui me suivent déjà. »
C’est chose faite avec le clip de « Goélands », une rencontre entre Marie-Gold, le rappeur Kirouac et la chanteuse Lydia Képinski. Ce « vrai-party-devenu-vidéoclip » présente bien l’univers revu de la rappeuse, qui se présente telle qu’elle est, sans retenue ni règles.
« L’album s’appelle Règle d’or, et c’est drôle parce que finalement je veux contredire le titre de l’album. La règle d’or, c’est qu’il n’y a pas de règles. »
Règle d'or est désormais disponible sur toutes les plateformes de streaming.
Photo : John Londono