Pour un artiste, la sortie d’un premier album se veut une introduction importante à une scène, à un public qui deviendra le sien. Pour David Campana, qui sortait son premier opus vendredi dernier, il s’agissait de l’occasion parfaite pour officiellement dire Bonjour, Hi aux amateurs de rap québécois. Entrevue téléphonique avec le rappeur signé chez Hydrophonik Records.

Réaliser que tout est possible

Après une série de mixtapes et de singles, Campana a revu sa façon de travailler en se lançant dans Bonjour, Hi. L’apport des membres du collectif français Novengitum, dont on a récemment retrouvé le travail sur l’album de Marie-Gold, s’est d’ailleurs fait sentir à plusieurs niveaux.

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« Ils m’ont poussé à penser en terme de projet, explique Campana, au lieu de juste faire des chansons pour faire des chansons. Là, on prenait le temps de s'asseoir, de trouver des concepts, une esthétique. On a aussi fait beaucoup de toplines (des mélodies sans paroles) et on mélangeait le tout ensuite. On a vraiment beaucoup retravaillé les chansons pour bien les peaufiner. »

C’est à travers cette collaboration, et le travail avec Hydrophonik que le rappeur néo-soul a pu constater qu’il était finalement possible de faire sa vie en étant artiste.

« Quand t’es indépendant et que tu travailles seul dans ton coin, des fois tout ça parait inatteignable, avoue-t-il, mais c’est en voyant Hydrophonik travailler avec moi que j’ai pris conscience que tout est possible, qu’il y avait une structure avec moi, qui croit en moi et qui m’aide à pousser ce que je fais. Ça change énormément de choses pour un artiste. »

La relève crie Nou la

L'approche franglaise qu'on retrouve sur cet opus est bien en phase avec son époque. Celui qui cite Loud comme inspiration présente avec Bonjour, Hi une belle introduction à son catalogue, et fait la démonstration d'une aise et d'un potentiel clairs, alors qu'il alterne sans broncher entre trap, chant, pop et couplets rappés. Vrai montréalais dans l'âme, celui qui accueillait les clients avec un « bonjour, hi » lorsqu'il était serveur offre ici une carte de visite léchée et plus que crédible.

Sur cet album, le rappeur natif de Montréal invite des artistes qui font plein de sens lorsqu’ils sont associés à Campana. Si la collaboration avec Obia le Chef (Vaisseau) découle d’amis communs, celles avec Franky Fade - Nou la - et dope.gng - Agrikol - associent des rappeurs montréalais émergents qui font parler d’eux depuis quelques années. Tous passés par la case Francouvertes, ces artistes font front commun sur Bonjour, Hi pour montrer que la jeunesse rap d’ici est bien en place.

Agrikol, une pièce débordante d’énergie qui se rapproche du rock, est d’ailleurs un bon exemple de la verve de cette relève qui ne se limite plus au rap. Campana ouvre les débats dès la première ligne, alors qu’il affirme que « le rap de nos jours, c’est devenu le rock des beaux jours ».

Sans pour autant tomber dans le rock, Campana démontre une polyvalence impressionnante. Il alterne aisément entre rap et chant, ce qui le place dans une branche à part de la musique urbaine, aux côtés d’artistes comme Hamza ou Jok’Air. La comparaison est immensément positive, puisque rares sont les artistes qui savent réellement chanter dans un monde du rap qui se noie peu à peu dans les mélodies Auto-tunées.

Voir plus loin

C’est avec le regard sur le grand ensemble que l’artiste voit l’avenir du rap, alors qu’il propose de nombreuses chansons sur Bonjour, Hi qui semblent parfaitement adaptées aux radios commerciales (Long Ride, Rapide & Amoureux, etc.). En plus, Campana a le charisme, la voix et l’envie. Sauf qu’au Québec, les opportunités de se faire entendre sur les ondes FM, en dehors des radios étudiantes et communautaires, sont extrêmement rares.

Pour le rappeur, c’est une situation temporaire qui ne peut que changer avec le temps.

« Ça va prendre du temps, indique-t-il, mais regarde le travail qu’on fait en ce moment. Il y a plein d’artistes qui montrent que la musique urbaine pop d’ici est une alternative crédible à ce que les américains ou les européens font. Peut-être que l’industrie n’est pas faite pour qu’on gagne en ce moment. Mais une chose est certaine: depuis plus de vingt ans, il y a des gens qui bâtissent leurs vies et leurs souvenirs en écoutant du rap d’ici. Un jour, ce sont ces gens-là qui vont décider de ce qui joue à la radio, et je pense qu’on est vraiment pas si loin de ce moment. »

En attendant d’entendre plus de rappeurs québécois dans les radios commerciales, vous pouvez écouter Bonjour, Hi de David Campana, désormais disponible sur toutes les plateformes de streaming.

Photo : MAKWANDA

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